Histoire d'Alatiel
Ces panneaux peints de coffre de mariage, oeuvre du Maestro dei Cassoni-Jarves, sont exposés au Musée Correr de Venise en Italie. Pour en savoir plus sur Venise.
L'histoire d'Alatiel
L’histoire d’Alatiel est la septième nouvelle de la deuxième journée du Décaméron de Boccace (Giovanni Boccaccio – 1313 – 1375)
Dans ce recueil de nouvelles, écrites en langue italienne entre 1349 et 1353, dix personnes racontent chaque jour, et ceci pendant dix jours, une histoire basée sur un thème imposé. Le sujet choisi au deuxième jour était - comment des personnes frappées par le mauvais sort finissent par avoir un destin final heureux.
Le Sultan de Babylone avait une fille d’une extraordinaire beauté destinée à épouser le roi de Garbe, mais le bateau, sur lequel elle avait embarqué, fit naufrage sur les rivages de Majorque. Le Chevalier Pericon pilla le bateau et emmena Alatiel dans son château où il la fit sienne et ceci avec son consentement.
Le frère de Pericon, Marato, enflammé de désir pour la jeune femme fit tuer Pericon et enlever Alatiel qu’il emmena sur un bateau où elle accepta ses avances.
Les deux patrons du bateau, désireux de s’emparer de cette beauté, jetèrent Marato par-dessus bord puis se battirent entre eux. Le survivant, grièvement blessé, débarqua à Chiarenza où la famille du marin mort livra, par vengeance, Alatiel au Prince de Morée qui la traita comme sa propre femme.
Le Duc d’Athènes, ami du Prince, ayant vu la jeune femme, fit tuer son ami et enlever Alatiel puis cacha leur amour dans un endroit isolé. Le frère du Prince de Morée leva une armée pour attaquer le Duc qui reçut le secours de Constantin, fils de l’Empereur de Constantinople. Ayant vu la beauté d’Alatiel, Constantin déserta l’armée, l’enleva et l’emmena à Chios.
Osbech, Roi des turcs, ennemi de l’Empereur, mit à sac Chios, tua Constantin et s’empara de la jeune femme.
Basan, Roi de Cappadoce, allié de Constantinople, mit en déroute l’armée d’Osbech qu’il tua. Le Roi des turcs avait confié la jeune femme, pour la protéger, à son ami Antiochus qui, devenu son amant, s’enfuit avec elle à Rhodes, où malade, il mourut. Avant de décéder, il confia sa fortune et sa maîtresse à un marchand de Chypres qui fit voile vers l’île où ils s’établirent. Cependant Antigone, un gentilhomme au service du roi de Chypres, reconnut la fille du Sultan de Babylone, et avec son accord décida de la ramener à son père, mais lui conseilla de cacher ses mésaventures et de prétendre qu’elle avait passé ces quatre années dans un couvent. Alatiel affirma à son père qu’elle lui revenait encore plus belle, plus vaillante et plus honnête qu’avant, si bien que le Sultan jugea qu’il pouvait l’envoyer enfin épouser le Roi de Garbe auquel la jeune femme affirma qu’elle était toujours pucelle. Elle put ainsi vivre en Reine, aimée et heureuse de longues années. |
L’oeuvre
Il s’agit de deux panneaux d’un cassone ou coffre de mariage d’apparat que le futur mari faisait décorer, par un artiste souvent célèbre, sur le panneau avant et le couvercle intérieur du coffre. Celui-ci servait à ranger la dot de la mariée, souvent constituée de vêtements et de linge précieux, ce qui explique la grande dimension de ces panneaux.
Les décors, le plus souvent traités, étaient des sujets mythologiques ou historiques. Parfois sur le panneau intérieur étaient peintes des scènes érotiques qui n’étaient destinées qu’aux yeux des époux.
Sur les panneaux du cassone du musée Correr, le sujet traité est la fin heureuse de l’histoire d’Alatiel quand elle rejoint son futur mari, le Roi de Garbe.
L’omniprésence de la feuille d’or pourrait faire penser à une œuvre gothique, mais les costumes des personnages sont bien d’époque renaissance.
L’histoire se lit de gauche à droite pour le panneau extérieur et de droite vers la gauche pour le panneau intérieur.
- Le Sultan, suivi de sa cour, en riches habits de brocard, velours et tissus d’or, conduit sa fille au bateau dont les marins lèvent les voiles.
- Dans la nef, la Princesse, entourée de ses Dames, devise et boit, alors qu’une servante les évente.
- La nef est arrivée à bon port, les cavaliers en sont déjà descendus, et le Roi peut enfin accueillir sa promise. Sur des embarcations des curieux assistent au spectacle de cette riche cavalcade.
- L’escorte, presque une armée de cavaliers, avec dans le fond, descendant de la montagne, des hommes d’armes à pied arrivent au château du Roi. Remarquez les chausses bicolores de quelques fantassins.
- Sujet souvent traité dans les coffres de mariage, un banquet clôture l’histoire. Les deux époux, installés sous un dais d’étoffe filée d’or, conversent entre eux et avec les courtisans ayant eu droit au haut-bout de la table. Des échansons apportent aux convives de grands hanaps dorés, contenant l’eau pour se laver les mains, et un serviteur porte une longue serviette qu’il va leur présenter.
En savoir plus sur l'artiste
La décoration de ce cassone est maintenant attribuée à Apollonio di Giovanni, peintre et miniaturiste florentin (1415 – 1465). Il monta en association avec Marco del Buono Giamberti (1402 – 1489) un atelier de décoration de coffres de mariage et de plateaux d’accouchées qui étaient offerts à la mère pour la naissance du premier enfant.
Bien qu’inspiré par les grands peintres de son époque, il traite ces sujets en miniaturiste.