Histoire de Saint Fridolin
Cette tempera sur bois de la fin du XVème siècle, oeuvre du Maître à l’Oeillet de Baden, est exposée au musée des Beaux Arts de Dijon.
Vie de Saint Fridolin
Le premier récit concernant Saint Fridolin est une hagiographie (texte racontant la vie d'un saint) – Vita Sancti Fridoloni – écrite entre 960 et 970 par Balther von Säckingen, moine aux monastères de Saint Gall et Säckingen, puis évêque de Spire en Allemagne. L’évêque affirmera avoir lu le manuscrit dans un monastère en France et réécrit après l’avoir mémorisé.
Fridolin, prénom d’origine germanique, formé de Frido - paix et de Lind – doux, serait né en Irlande vers 464 dans une famille royale, sinon noble et riche.
Après ses études dans un monastère irlandais, il décide de ne se consacrer qu’à Dieu, et se fait ordonner prêtre. S’étant séparé de tous ses biens terrestres, il commence son ministère dans son pays avant de se rendre en Gaule pour évangéliser les populations de l’Est encore en majorité païennes.
Il s’arrête d’abord à Poitiers pour prier sur la tombe de Saint Hilaire (310 – 397) pour lequel il avait une grande vénération. Mais la tombe avait disparu sous les ruines de l’église détruite par les wisigoths. Sa renommée de piété l’ayant précédé, il est nommé en 481 à la tête de l’abbaye fondée par Saint Hilaire qui lui apparut une nuit lui indiquant où se trouvaient ses reliques. Désireux de rétablir en plus grand une église digne du Saint, il se rend avec l’évêque de Poitiers – Adelphus – à la cour du roi des Francs, Clovis (466 – 511), afin d’obtenir des subsides pour la réalisation de son projet. Clovis, converti depuis 496 après la bataille de Tolbiac, l’accueillit avec bonté et lui accorda tout ce qu’il désirait.
Cependant Saint Hilaire lui réapparut lui demandant de se rendre sur l’île de Gallinara en Ligurie (Italie) pour y bâtir une église en son honneur. Cette tâche exécutée, Saint Fridolin se rendit en Lorraine, Alsace et Allemagne, y fondant églises et monastères, avant de s’installer, guidé par une relique de Saint Hilaire qu’il avait emportée en quittant Poitiers, dans une île du Rhin près de l’actuel Bad Säckingen. Cependant il se heurta rapidement à l’hostilité des riverains qui venaient y faire paître leurs troupeaux.
Pour le théologien Adrien Baillet (1649 – 1706) dans son œuvre sur la vie des Saints, Saint Fridolin obtint de Clovis un document lui octroyant la possession de l’île. En attendant la construction du monastère qu’il voulait édifier avec ses compagnons, il logeait chez un homme riche et puissant nommé Wacher qui l’aida de sa fortune. Mais à la mort de son protecteur le roi Clovis, ses ennemis lui contestèrent la possession de l’île et le traînèrent en justice. Saint Fridolin implora l’aide de Dieu et, après une nuit de prière, le cours du Rhin avait changé de côté. Devant ce miracle, riverains et juges reconnurent son bon droit et l’aidèrent à terminer les travaux des deux monastères, l’un pour les hommes, l’autre pour les femmes dont la fille de Wacher devint la première abbesse.
Cependant, l’évêque Balther nous relate la possession définitive de l’île par Saint Fridolin grâce à un autre miracle, et c’est celui-ci dont s’emparera l’iconographie. Saint Fridolin avait converti un riche propriétaire du nom d’Urso qui lui légua, non seulement l’île, mais toutes ses propriétés dans l’actuel canton de Glaris en Suisse. Mais le frère d’Urso, Landolf, contesta cette donation et convoqua le Saint devant un tribunal. Celui-ci, après une nuit de prière se rendit sur la tombe d’Urso qui ressuscita et, en état de squelette, l’accompagna devant les juges pour confirmer sa donation et la bonne foi du Saint - Historiquement la donation du canton de Glaris au monastère de Säckingen date de Louis le Germanique (806 – 876) dont la fille Berthe était l’abbesse.
Saint Fridolin put alors terminer sa tâche, et après avoir converti la région, mourut saintement le 6 août 540. La Vox Populi, comme le permettait l’usage à l’époque, le déclara Saint, et ses reliques placées sur l’autel firent de nombreux miracles. Il est le Saint Patron des pays alémaniques (Lorraine, Alsace, pays de Bade et Suisse) et le canton de Glaris porte sur son blason un moine pèlerin car le Saint est aussi appelé le Wanderer. Il est fêté le 6 mars et imploré pour la protection du bétail et des chevaux et contre les incendies et les dangers de l’eau. Chaque année à Bad Säckingen, le premier dimanche suivant le 6 mars, a lieu une grande procession à laquelle participe une délégation du canton de Glaris en remerciement de l’intercession du Saint qui permit la victoire des glaronnais sur les troupes du Duc d’Autriche Albert III lors de la bataille de Näfels en 1388. |
De nombreuses églises et chapelles lui sont toujours dédiées en pays alémanique.
Il est le plus souvent représenté avec à ses côtés le Mort Ressuscité et plus rarement seul en moine avec une crosse d’abbé.
L’oeuvre
Il s’agit d’un panneau, tempera sur bois, peint vers la fin du XVème siècle par le Maître à l’œillet de Baden et faisant partie d’un retable dédié à deux Saints très populaires en Suisse - Saint Fridolin et Saint Othmar.
Le panneau représente le saint avec son attribut essentiel, le mort ressuscité. Sur un fond d’or, à l’imitation d’une étoffe brochée, Saint Fridolin est certes vêtu de l’humble bure d’un moine, mais porte aussi la crosse avec velum d’un Père Abbé. N’étant pas abbé mitré, il ne porte sur la tête qu’un bonnet. Le mort, la tête squelettique, et le corps décharné, son linceul recouvrant son intimité, serre la main du Saint et de l’autre main semble lui tapoter l’épaule, et d’un doigt levé, l’inciter à ne plus perdre l’acte de donation que Saint Fridolin porte dans une magnifique bourse cramoisie.
Pour une peinture gothique les couleurs sont assez ternes, mais l’attention du spectateur est ainsi fixée sur la bourse rouge contenant cet acte de donation qui permit au Monastère de Säckingen d’étendre son influence sur toute la Suisse alémanique.
En savoir plus sur l'artiste
Le nom de Maître à l’œillet de Baden vient du retable de la Passion, signé d’un œillet croisé d’un brin de lavande, provenant de la ville suisse de Baden et actuellement conservé au musée des Beaux Arts de Dijon. L’œillet rouge ou blanc, quelquefois croisé avec un brin de lavande, serait la signature commune d’un groupe d’ateliers de peintres présents à Soleure et Berne puis à Baden et Zurich, et actifs entre 1470 et 1510. Le Maître à l’œillet de Zurich pourrait être Hans Leu l’Ancien (1460 – 1507). Le symbolisme de l’œillet rouge est bien connu et fait référence aux clous de la Crucifixion du Christ. Malgré ses vertus cicatrisantes, déjà évoquées par Sainte Hildegarde (1098 – 1179), la lavande n’est pas présente dans le symbolisme religieux. Cette signature par un brin de lavande laisse perplexe sachant que ce groupe de peintres n’a effectué que des tableaux religieux. |