Histoire de Sainte Marguerite d'Antioche
Ce retable du Maître des Ronds de Cobourg représentant Sainte Marguerite d'Antioche, est situé au musée des Beaux Arts de Dijon (à l'intérieur du palais des Ducs et des Etats de Bourgogne).
Vie de Sainte Marguerite d'Antioche
Le culte de Sainte Marguerite d’Antioche – Sainte Marine pour les orthodoxes - fortement implanté dans le monde bysantin, arriva en Europe à l’occasion des croisades et devint dès le XIème siècle très populaire. Jacques de Voragine (1228 – 1289), pour sa Légende Dorée, reprend l’histoire trouvée dans le ménologe (le calendrier liturgique) de Siméon Métaphraste (886 – 912). Cependant très tôt l’Eglise Catholique Romaine mit en doute la véracité du martyre de la Sainte. Le Pape Gelase Ier (mort en 496) avait déclaré apocryphe les Actes de Sainte Marguerite, et en 1969 sa fête fut retirée du calendrier liturgique.
Marguerite ou Marine serait née vers 270 sous le règne de l’Empereur Diocletien (244 – 311) à Antioche de Pisidie près de l’actuelle Isparta en Turquie. Son père Edesimos ou Edesius, prêtre païen, la confia à l’âge de 12 ans, sa mère étant morte, à une ancienne nourrice secrètement chrétienne. A l’âge de 15 ans elle se convertit aussi au christianisme, déclarant qu’elle voulait à présent consacrer sa vie entièrement et uniquement à sa nouvelle foi.
Un jour, qu’en compagnie d’autres jeunes filles, elle gardait les moutons du village, le Préfet Olybrios ou Olibrius remarqua sa beauté et la fit amener devant lui. Il lui déclara alors qu’il la prendrait pour femme si elle était née libre, et comme concubine si elle était esclave. La jeune fille lui dit que son nom était Marguerite, qu’elle était de noble naissance et chrétienne. Le préfet lui déclara qu’elle, une aussi belle perle, lui convenait fort bien (Margarita se traduit par perle en latin) mais qu’il faudrait qu’elle sacrifie aux idoles.
Devant son refus, il la fit jeter en prison et ramener le lendemain au tribunal. Devant la persistance de la Sainte à rester dans la foi chrétienne, Olybrios la fit suspendre à un chevalet, frapper par les verges puis déchirer par des peignes de fer jusqu’à ce que ses os fussent dénudés. Comme malgré des heures de supplice, Marguerite ne semblant pas en souffrir, le préfet la fit ramener dans sa prison.
Alors que Marguerite priait dans son cachot, un dragon apparut qui l’avala de la tête aux pieds. Mais la Sainte qui s’était munie d’une croix lui creva l’estomac d’où elle sortit saine et sauve. Cet épisode fut rapidement déclaré apocryphe et le dragon remplacé par un démon ou un chien noir qu’elle vainc en posant son pied sur leur tête. Une grande lumière illumina alors son cachot et une colombe apparut lui annonçant qu’elle rejoindrait bientôt le Christ, son Epoux et Roi.
Le lendemain, le corps régénéré par Dieu, elle fut ramenée devant le préfet qui la condamna cette fois à être dénudée, brûlée par des torches, puis plongée la tête en avant dans un bassin plein d’eau. Mais la colombe, portant la palme des martyrs, réapparut au-dessus du bassin dont Sainte Marguerite surgit libérée de ses liens. Devant ce miracle, 15000 païens se convertirent, mais furent immédiatement décapités, recevant ainsi le Baptême du Sang. Avant de subir le même supplice, la Sainte demanda un instant pour prier à l’intention de ses bourreaux et demander à Dieu que toute femme en couche qui l’implorerait enfante heureusement. Comme le bourreau, nommé Malchus, lui aussi fraîchement converti, hésitait, Sainte Marguerite lui ordonna d’accomplir son devoir s’il voulait la rejoindre dans la Gloire du Christ. Un chrétien nommé Theotime, qui relatera plus tard ces évènements, obtint le droit d’ensevelir le corps dans une grotte près d’Antioche. Les reliques, sous le nom de Sainte Marine, furent plus tard transportées à Constantinople et après la prise de la ville par les Croisés en 1204, rapportées en Europe sous le nom de Sainte Marguerite. Ses attributs sont nombreux, mais le plus important est le dragon d’où elle sort, elle est alors dite yssant - c’est-à-dire issue - du dragon et à partir du XIIIème siècle elle est plutôt représentée tenant le dragon en laisse. |
Elle porte aussi la croix qui lui permit de vaincre le dragon, et des perles, car en latin elles se disent margarita. Elle peut être représentée avec la palme du martyre et la couronne de sainteté.
Par analogie à sa sortie du ventre du dragon, elle est la Sainte Patronne des sages femmes et des accouchées. L’église Saint Germain des Prés à Paris possédait une ceinture de Sainte Marguerite sensée soulager les douleurs des femmes en couche.
En Orient, elle est fêtée le 17 juillet sous le nom de Sainte Marine et en Occident, bien que retirée du calendrier liturgique, la Sainte Marguerite est fêtée le 20 juillet.
Preuve de la ferveur populaire, Sainte Marguerite est une des voix entendues par Jeanne d’Arc.
L’oeuvre
Ce retable à quatre volets du XVème siècle, visible dans la salle des primitifs du musée des Beaux Arts de Dijon, est l’œuvre d’un peintre anonyme connu sous le nom de Maître des Ronds de Cobourg.
Les panneaux extérieurs représentent les deux Saint Jean, Sainte Catherine d’Alexandrie et Sainte Marguerite d’Antioche, avec à leurs pieds les donateurs Stephan et Engel Bock patriciens de la ville de Strasbourg.
Les volets intérieurs illustrent la vie de Sainte Marguerite, mais la partie centrale du retable n’a pas été retrouvée et devait être la représentation en pied de la Sainte.
Le retable se lit de haut en bas.
A gauche :
– panneaux 1 et 2 – le Préfet Olibrius remarque et fait arrêter la jeune fille.
- panneaux 3 et 4 – amenée devant le Préfet elle refuse de sacrifier aux idoles.
- panneaux 5 et 6 – après avoir été flagellée, le dragon lui apparaît dans son cachot et comme le voulait l’iconographie après le XIIIème siècle, la Sainte est représentée écrasant sous son pied le démon, lui disant « Soit écrasé, superbe démon, sous les pieds d’une femme ». Au-dessus de la scène, à une fenêtre, Théotime écrit le récit de cet événement.
A droite :
– panneaux 7 et 8 – La Sainte est ramenée devant le Préfet et brûlée avec des torches enflammées.
- panneaux 9 et 10 – Sainte Marguerite est jetée tête en avant dans le baquet d’eau et les païens, qui s’étaient convertis à l’apparition de la colombe, sont décapités.
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panneaux 11 et 12 – le Christ lui apparaît lui promettant l’exécution de son vœux. Décapitée, son âme est accueillie par les anges et Malchus, le bourreau converti, gît mort à ses pieds comme il le désirait.
Ce retable est caractéristique de la peinture rhénane du XVème siècle encore très influencée par l’art des Flandres. Les personnages, assez figés, sont représentés de face devant un fond d’or, évitant ainsi le travail plus délicat de la perspective. Mais à une époque où la connaissance de l’Ecrit était réservée à une élite, ce retable pouvait se lire comme une bande dessinée accessible ainsi à tous. De plus, la brillance des couleurs, la richesse des vêtements et le miroitement de l’or transportaient le fidèle dans le monde merveilleux et mystique de la Légende Dorée.
En savoir plus sur l'artiste
Nous ne savons presque rien de la vie de ce peintre ayant exercé à Strasbourg au XVème siècle. Il doit son nom de Maître des Ronds de Cobourg à des dessins préparatoires pour des vitraux ronds, dessins conservés au musée de la Forteresse de Cobourg en Allemagne. Par analogie il a été possible de lui attribuer certains panneaux de petits retables, et surtout de nombreux dessins. Sa maîtrise dans cet art lui vaut aussi le nom de Maître des Etudes des Draperies. Il semble à présent acquis qu’il entra d’abord dans l’atelier du peintre Strasbourgeois Hans Hirtz (1421 – 1463) puis, bien qu’installé à son propre compte, il travaille en association avec le peintre verrier Peter Hemmel d’Andlau (1420 – 1501) pour lequel il réalisa de nombreux dessins.