Histoire de Suzanne et les Vieillards
Ce tableau, une huile sur bois du XVIème siècle, oeuvre de Lorenzo Lotto, est visible au musée des Offices de Florence. Pour en savoir plus sur musée des Offices et Florence.
Histoire de Suzanne
L’histoire de Suzanne se trouve dans le Livre de Daniel, en appendice 13 – 14, d’après le texte grec de Théodotion (érudit juif écrivant en grec au IIème siècle) traduit par Saint Jérôme (347 – 420) et introduit dans sa Vulgate. Ce passage est considéré comme apocryphe par les juifs et les protestants et ne se trouve que dans la Bible catholique.
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Lors de l’exil des juifs à Babylone sous Nabuchodonosor II (604 – 562 av.J.CH.), Suzanne, femme pieuse et d’une grande beauté, avait épousé Joakim homme riche et respecté par tous. Il possédait un jardin qu’il mettait à la disposition des Anciens chargés de juger et d’arbitrer les problèmes de la communauté juive.
Suzanne prenait bien soin de n’y entrer qu’en fin d’après-midi lorsque plus personne ne s’y trouvait et pouvait ainsi profiter de sa fraîcheur. Or deux Anciens, épris de désir pour elle, s’arrangeaient pour la croiser régulièrement et un jour, s’étant concertés, ils se cachèrent dans le jardin, sachant que Suzanne allait arriver. En effet peu de temps après, la jeune femme y entra et désireuse de se baigner, car il faisait chaud, envoya ses deux servantes chercher l’huile et les onguents nécessaires à sa toilette. Les servantes s’assurèrent que la porte principale était bien fermée puis sortirent par la porte dérobée de l’arrière.
Dès que Suzanne se fut dévêtue pour entrer dans le bassin, les deux Anciens surgirent de leur cachette et la menacèrent de prétendre l’avoir surprise avec un jeune homme qui avait pu s’enfuir, et d’avoir ainsi commis le crime d’adultère si elle ne cédait pas à leur désir. Comme Suzanne refusait, préférant la honte et la mort au péché, les deux vieillards ouvrirent la porte du jardin, et mettant leur menace à exécution appelèrent à grands cris les serviteurs de Joakim et les informèrent de ce prétendu adultère.
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Le lendemain, suivie de toute sa famille en larme, Suzanne fut amenée devant le Tribunal où, devant tout le peuple assemblé, les deux juges réitérèrent leur inique accusation et Suzanne, malgré ses dénégations, ne pouvant prouver son innocence, fut condamnée à mort.
Alors qu’elle était conduite vers le lieu de son supplice, un très jeune homme, prénommé Daniel (le futur prophète), inspiré par Dieu, s’écria que lui sera innocent du sang de cette femme, et qu’un faux témoignage avait été porté contre elle. Le peuple, troublé, retourna au Tribunal où Daniel interrogea séparément les deux accusateurs leur demandant sous quel arbre l’adultère avait été commis. Comme l’un prétendait que cela s’était produit sous un lentisque, et l’autre sous un chêne, l’innocence de Suzanne fut reconnue et les deux juges subirent le châtiment qu’ils voulaient lui destiner.
L’oeuvre
L’iconographie de cette histoire est très riche et, si sous le titre de Suzanne et les vieillards ou Suzanne au bain, permet une peinture de nu - la scène du jugement étant rarement représentée, - elle est aussi le symbole de l’Innocence justifiée par Dieu.
Ce tableau, huile sur bois, fut réalisé à Bergame en 1517 pour un commanditaire inconnu et nous montre un Lorenzo Lotto toujours attaché à la peinture narrative du gothique international. L’histoire de Suzanne est ainsi racontée en trois plans. Au registre supérieur une ville puissamment fortifiée représente Babylone dont les murailles avaient frappé les contemporains. En-dessous, Suzanne est dans le jardin à la porte close et se dirige vers son bain abrité des regards par des murs.
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Le registre inférieur qui occupe les deux tiers du tableau montre dans le même plan Suzanne surprise, son refus et l’arrivée des serviteurs. La scène est expliquée par deux phylactères tombés en désuétude depuis longtemps. Ils se lisent de la droite vers la gauche et sur celui d’un des deux vieillards, dans ce tableau plutôt dans la force de l’âge, est écrit leur menace, et sur celui de Suzanne, sa lamentation et son refus.
Des deux serviteurs accourus, si l’un se montre attentif au dire des juges, l’autre semble plutôt intéressé par la nudité de sa maîtresse. Bien que Suzanne soit une héroïne biblique et non chrétienne, un nimbe se devine sur la muraille à la hauteur de sa tête. Lorenzo Lotto, vénitien, place à côté des habits de Suzanne ces chaussures à talons hauts si caractéristiques de cette ville.
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En savoir plus sur l'artiste
Lorenzo Lotto naît à Venise en 1480 et se forme peut-être dans l’atelier de Giovanni Bellini (1430 – 1516), mais plus sûrement dans celui d’Alvise Vivarini (1445 – 1502).
Après un premier séjour à Trévise où il ne se fixe pas, il fait des allées-venues entre Rome, Bergame et les Marches où il peindra des retables, des tableaux religieux et des portraits dans son style gothique un peu tardif. Déçu par le monde, il deviendra en 1550 oblat régulier (laïque faisant vœux de se consacrer à l’Eglise) de la basilique de la Santa Casa de Loreto et y meurt en 1556.
Faute d’avoir œuvré pour des commanditaires ou des institutions importantes, il tombe dans l’oubli et ne sera redécouvert que par le célèbre critique d’art Bernard Berenson (1865 – 1959) qui le place parmi les grands maîtres du cinquecento italien.
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