Histoire de l'enlèvement des Sabines
Cette sculpture en marbre du XVIème siècle, oeuvre de Giambologna, est visible dans la Loggia dei Lanzi à Florence. Pour en savoir plus sur la Loggia dei Lanzi et Florence.
Histoire de l'enlèvement des Sabines
Le récit de ce rapt se trouve essentiellement dans le Livre 1 de l’Histoire de Rome écrit par Titus Livius (Tite-Live en français), historien romain, né à Padoue en 59 av. J.C. et décédé dans la même ville en 17 ap. J.C.
Selon la Légende, Rome fut fondée en 753 av.J.C. par Romulus et son frère jumeau Rémus, mais ce dernier est tué lors d’une querelle entre les deux frères. La ville et son enceinte construites, Romulus se proclama roi, créa des lois et une armée. Dans le but d’agrandir la population et sa force guerrière, il accueillit toutes personnes de sexe masculin, hommes libres, proscrits, esclaves qui le désiraient, si bien que très rapidement la ville se trouva en manque de femmes. Romulus, désireux de régler ce problème, envoya des émissaires dans les cités voisines, leur proposant une alliance confortée par des mariages, mais celles-ci refusèrent unanimement cette proposition.
Romulus invita alors les populations voisines à assister aux fêtes de Consualia qu’il venait de créer en hommage au dieu Consus, assimilé à Neptune sous son aspect de dieu des chevaux.
Au moment où toute l’attention se portait sur les jeux équestres, les jeunes romains surgirent et s’emparèrent des Sabines non mariées dont les plus belles furent amenées aux sénateurs de la ville. Les Sabins, venus non armés, s’enfuirent en maudissant ce peuple qui venait ainsi de violer les lois de l’hospitalité. Romulus se rendit le lendemain auprès des captives les assurant que ce mariage qui leur était imposé les rendra heureuses par l’amour de leur mari romain, les intégrera à la Cité et leur donnera ce que toute femme désire, des enfants.
Les cités de Cenina, Crustumérie et d’Antemne dont les filles avaient été enlevées entrèrent en guerre avec Rome mais furent défaites les unes après les autres. Lorsque le roi Sabin, Titus Tatius, après une longue et dissimulée préparation, attaqua Rome, celle-ci fut tout près de succomber, et seule l’intervention des épouses sabines, à présent romaines, se jetant entre leurs maris et leurs pères et frères, mit fin au combat. A la grande joie des Sabines, le conflit se termina par la signature d’un traité créant un seul Etat avec à sa tête Romulus et Titus Tatius.
Pour le philosophe et moraliste Plutarque (45 - 120 ap.J.C.) qui suit ainsi Tite-Live, cet événement marque l’acte fondateur de Rome et son hégémonie sur l’Italie. D’après lui, la tradition pour le mari de porter sa jeune épouse pour franchir le seuil de sa nouvelle demeure est directement liée au souvenir de l’enlèvement des Sabines.
Pour l’historien Denis d’Halicarnasse (60 av.J.C. – 8 ap.J.C.), Romulus expliqua aux Sabines que cet enlèvement était une noble et ancienne coutume grecque de contracter un mariage car lui-même, par Enée, était un descendant de Tros le fondateur de Troie, cité de culture grecque.
L’oeuvre
Cette œuvre réalisée entre 1575 et 1580 dans un seul bloc de marbre de 4m10 de haut devait prouver l’habileté de Giambologna. François 1er de Médicis (1541 – 1587) fit placer la sculpture en 1583 dans la loggia dei Lanzi et le poète Raffaello Borgihini (1537 – 1588) lui donna son titre actuel car elle était à l’origine une allégorie de la République florentine écrasée par les Médicis reprenant Florence dans leurs bras en 1530. En effet, l’iconographie la plus répandue montre les Sabines avec leurs enfants dans leurs bras s’efforçant avec succès de séparer les combattants des deux camps.
Le groupe de trois personnages placé, difficulté supplémentaire, sur une base unique doit être regardé sous différents angles. En effet l’œuvre, réalisée dans un mouvement giratoire s’élevant sur un seul axe en spirale avec des corps à la musculature puissante et des visages expressifs, ne peut être appréciée dans sa totalité que de cette manière.
Le Sabin, à la barbe abondante, est écrasé entre les jambes puissantes du romain, et le visage effrayé, impuissant, il tend sa main dans un geste implorant. Le ravisseur, la chevelure et la courte barbe bouclées, bien campé sur ses jambes, regarde avec attention sa captive, comme pour s’assurer d’avoir fait le bon choix. La Sabine, aux cheveux bouclés, ceints d’un étroit bandeau, crie son désespoir en tendant vers le ciel sa main ouverte. Elle est étroitement maintenue par les bras de son ravisseur qui la tient fermement par le dos et le bas du corps.
Ce groupe, aux corps nus, à l’imitation de la statuaire grecque, est certainement une des plus belles œuvres de Jean de Bologne.
En savoir plus sur l'artiste
Jehan de Boulogne, en français Jean de Bologne, en italien Giambologna, est né à Douai en 1524. Après sa formation dans les Flandres chez le sculpteur Jacques du Broeucq (1505 – 1554) il gagne Rome où il devient le disciple de Michel Ange (1475 – 1564). Il s’installe ensuite à Florence, et sous la protection des grands ducs de Toscane, il travaille essentiellement pour eux. Les villes de Bologne, Lucques et Gênes ainsi que les rois de France et d’Allemagne lui passent de nombreuses commandes.
Son atelier de Florence fera ainsi de nombreuses reproductions de ses œuvres pour satisfaire la demande européenne.
Admirateur de l’œuvre de Michel Ange et de la sculpture hellénistique, il crée des groupes à plusieurs personnages, témoins de sa remarquable dextérité. En 1608 il meurt à Florence où se trouve encore l’essentiel de son œuvre monumentale.