Histoire du Christ dans les Limbes
Cette mosaïque est visible dans l'ancienne cathédrale Santa Maria Assunta de l'île quasi abandonnée de Torcello dans la lagune de Venise en Italie. Pour en savoir plus sur Venise et sur la cathédrale Santa Maria Assunta de Torcello.
Histoire de la descente du Christ dans les Limbes des Patriarches
Les limbes, du latin limbus (frange, marge) désignent pour l’Eglise Catholique un lieu ou un état à côté de l’Enfer dont ils ne font pas partie.
Les limbes concernaient donc les âmes des justes, morts avant la Résurrection du Christ - limbus patrum - et celles des enfants morts sans avoir reçu le baptême - limbus puerorum.
La notion de limbes n’apparaît pas dans les Ecrits Canoniques et seul Saint Luc, dans son Evangile, parle du « pauvre Lazare » emporté par les anges dans le sein d’Abraham. Dans le premier Epître apocryphe de Saint Pierre, il est dit que le Christ, après sa Crucifixion, est allé prêcher aux Esprits. Saint Paul, dans une lettre aux Ephésiens écrit que le Christ, avant de monter (au ciel), est descendu (dans les Enfers).
A partir du IIème siècle, pour les apocryphes et les Pères de l’Eglise, par sa Descente dans les Enfers (le shéol des hébreux), le Christ libère les Justes du péché originel, leur permettant ainsi d’accéder au Paradis fermé depuis la Faute d’Adam.
Au IXème siècle, la phrase « est descendu aux Enfers » est introduite dans le Credo Catholique. Au XIIIème siècle, si les Limbes apparaissent dans les textes, ceux des Patriarches sont définitivement scellés (fermés). La tradition chrétienne situe la Descente du Christ dans les Limbes le Samedi Saint.
Dès le début du christianisme, seul le baptême permet d’accéder à la Vie Eternelle. Le baptême des adultes, précédé d’un long catéchuménat, était la règle. Au Moyen Age l’importante mortalité infantile incite les autorités religieuses à faire baptiser les enfants le plus tôt possible et dans l’urgence par un laïc.
La pensée théologique du destin des âmes des enfants non baptisés évoluera au cours des siècles.
Saint Augustin (354 – 430), suivi par les Pères de l’Eglise, maintient les âmes de ces enfants dans l’Enfer où ils subissent des douleurs corporelles (peine du sens) et la privation de la vue de Dieu (peine du dam). A partir de Pierre Abélard (1079 – 1142) les théologiens du Moyen Age les maintiennent en Enfer où ils ne subissent plus que la peine du dam. Saint Thomas d’Aquin (1225- 1274) les place dans les Limbes (limbus puerorum) où ils ne souffrent d’aucune peine. En 1907 la Commission Internationale supprime la notion des Limbes. Cependant l’Enfer reste un dogme pour l’Eglise catholique.
L’oeuvre
L’ancienne cathédrale Santa Maria Assunta, fondée en 639, se trouve sur l’île de Tortcello dans le golfe de Venise. La mosaïque, dite du Jugement Dernier, datée du XIème – XIIème siècle, occupe tout le revers de la façade.
Elle est composée de six registres. Le deuxième illustre la Descente du Christ dans les Limbes (Anastasis pour les grecs) mais le terme Descente dans les Enfers est souvent utilisé.
La scène est encadrée par les Archanges Gabriel et Michel vêtus de riches tenues byzantines et tenant à la main des globes crucifères symboles du pouvoir impérial. Le Christ, portant la Croix à triple traverses, piétine les portes de l’Enfer ainsi que Satan représenté sous la forme d’un petit diable. A ses pieds gisent les clés et les chaînes qui tenaient emprisonnés les Justes de l’Ancien Testament. De l’autre main il saisit Adam, le premier homme Père de l’Humanité. Derrière lui Eve, vêtue de rouge, lève sa main couverte, signe d’imploration. A gauche se tiennent David et Salomon, couronnés et nimbés dont le Christ est le Descendant. A droite, Saint Jean le Baptiste, mais aussi le Précurseur, désigne le Christ Sauveur à la foule des prophètes. Dans deux oculi des Justes implorent aussi leur Salut.
En savoir plus sur l'artiste
A Venise l’art de la mosaïque est l’œuvre d’artisans venus directement de Bysance ou d’ateliers locaux formés par ces mêmes mosaïstes. La mosaïque de ce Jugement Dernier fut certainement exécutée par des artisans venus de Ravenne et travaillant aussi à la basilique Saint Marc. L’utilisation simultanée de l’alphabet grec et latin est caractéristique des oeuvres créées dans la péninsule au XIème et XIIème siècles. N’étant pas considérés comme des artistes, les mosaïstes ne signaient pas leurs œuvres, et aucun document de commande ou de réception ne nous est parvenu.