Histoire de Sainte Odile
Ce vitrail de Max Ingrand représentant Sainte Odile, est situé dans l'église Saint Georges de Sélestat en Alsace. Pour en savoir plus sur Sélestat et l'Alsace.
Le premier écrit concernant Sainte Odile est un manuscrit de 950 – Vitas S. Othilae – conservé au monastère de Saint Gall en Suisse. Au musée de l’Oeuvre Notre Dame de Strasbourg , est conservée la belle tapisserie de l’ancienne abbaye Saint Etienne relatant les principaux épisodes de la vie de Sainte Odile. Enfin, en 1680 le Père Prémontré Hugues Peltre (1642 – 1724) collationne la tradition orale et écrite concernant la Sainte.
Vie de Sainte Odile
Sainte Odile, ou Odile de Hohenbourg (aujourd’hui le Mont Sainte Odile), voit le jour en 660 à Ehenheim, l’actuelle Obernai, dans le château de son père, le Duc d’Alsace Etichon –Adalric (635 – 690). Sa mère, Bereswinde (635 – 690 ou 700), pieuse et charitable, est la nièce de Saint Léger, évêque d’Autun (615 – 679). Mais à la naissance de l’enfant, le Duc constate qu’il ne s’agit pas du garçon pouvant assurer sa dynastie, mais d’une fille et de surcroît aveugle. Furieux, Adalric ordonne qu’elle soit tuée et ainsi il n’en entendra plus jamais parler. Mais sa mère la confie d’abord à une nourrice pour l’élever secrètement à Scherwiller, puis craignant des indiscrétions, l’envoie au couvent de Palma, aujourd’hui l’abbaye Sainte Odile de Baume-les-Dames, dont l’abbesse était l’une de ses tantes. Saint Erhard, évêque de Ratisbonne, eut une vision céleste lui ordonnant d’aller au monastère de Palma et d’y baptiser une jeune fille de 13 ans, aveugle de naissance. Saint Erhard, accompagné de Saint Hydulphe, fondateur de l’abbaye de Moyenmoutier se rendit donc à Palma, où dès que la jeune fille fut ointe du Saint Chrême, elle put voir et reçut le nom d’Odile. La racine Odo de ce prénom d’origine germanique signifie richesse et non lumière de Dieu comme il est souvent écrit. Guérie de sa cécité, Odile put, comme le voulait la Règle de Saint Benoît, se consacrer entièrement aux prières, à l’étude et aux œuvres de charité. |
Cependant Huges ou Hugon, un des fils qu’Adalric eut après la naissance malheureuse de sa fille, informé de l’existence de cette sœur, décida de la faire revenir , mais sans en informer son père. A l’arrivée de sa fille, Adalric, furieux de la désobéissance de son fils, le frappa si violemment qu’il en mourut, et pris de remord autorisa sa fille à rester au château de Hohenbourg où elle put consacrer son temps aux prières et aux œuvres de charité envers les pauvres et les malades.
Comme le voulait l’époque, le Duc Adalric désirait pour sa fille un mariage prestigieux, utile à sa famille, et la destina à un prince germanique. A cette annonce, Odile ne voulant se consacrer qu’à Dieu, s’enfuit en Forêt Noire où un rocher s’entrouvrit pour lui permettre d’échapper aux cavaliers que son père avait lancés à sa recherche. Elle vécut alors de ces aumônes et de cette charité qu’elle avait elle-même si souvent prodiguées.
Adalric qui regrettait peu à peu les fureurs de sa vie passée lui demanda de revenir et lui fit don de son château de Hohenbourg pour y créer un couvent dont elle devint la première abbesse. Bientôt sa sœur Roswinde ainsi que d’autres jeunes filles de la noblesse locale vinrent la rejoindre y pratiquant l’étude des Saintes Ecritures, les prières et les soins apportés aux malades et aux pèlerins. Le monastère étant devenu trop petit, Sainte Odile crée dans la vallée l’abbaye et l’hospice de Niedermunster, évitant ainsi aux malades épuisés de fatigue de monter au sommet de la montagne.
Sainte Odile se consacrait entièrement à son sacerdoce et le bruit de ses miracles attirait de plus en plus les malheureux de la région. Ainsi elle guérit un lépreux en le prenant dans ses bras, elle fit jaillir d’un rocher une eau miraculeuse pour étancher la soif d’un aveugle qui guérit aussi de sa cécité et Saint Jean Baptise lui apparut pour lui indiquer où il voulait que soit construite la chapelle qu’elle lui destinait.
Adalric, après avoir remis le duché à son fils Adalbert, se retira avec sa femme dans ce couvent créé par sa fille. A la mort de son père, Sainte Odile, l’ayant vu dans une vision souffrir dans les flammes du Purgatoire pour expier la dureté de sa vie terrestre, obtint par ses larmes et ses prières l’entrée de son père au Paradis.
Le 13 décembre 720, se sentant mourir, Sainte Odile envoya ses sœurs en religion prier pour elle dans l’église, et lorsqu’elles revinrent, celle-ci semblait morte. Leurs prières la ramenèrent à la vie, et elle put leur dire qu’elle était en compagnie de Sainte Lucie. Un ciboire apparut miraculeusement lui permettant ainsi de communier et de mourir munie de ces Saints Viatiques. Pendant les huit jours qui précédèrent son enterrement, toute la colline fut entourée du parfum délicieux de sa Sainteté y attirant ainsi de nombreux pèlerins.
Le Pape Léon IX (1002 – 1054) la canonisera en 1049 et le Pape Pie XII la nommera en 1946 Sainte Patronne de l’Alsace. Ses reliques se trouvent toujours au Mont Sainte Odile dans un tombeau du XVIIIème siècle abritant un sarcophage du VIIIème siècle.
Charles IV (1316-1378), roi de Bohême, visitant le couvent en 1354 fit ouvrir le sarcophage et prit l’avant bras de la Sainte pour déposer cette relique dans la cathédrale Saint Guy de Prague.
Elle est la Sainte Patronne des aveugles et des ophtalmologistes et elle est invoquée pour la délivrance des âmes du Purgatoire.
Sainte Odile est actuellement fêtée le 14 décembre au lieu du 13 initial, pour dissocier sa fête de celle de Sainte Lucie, elle-même Patronne des aveugles.
Ses attributs sont une robe d’abbesse avec la crosse, le Livre de la Règle qu’elle avait édictée pour le monastère de Hohenbourg et les deux yeux, symbole de la cécité dont elle fut guérie. Elle est parfois représentée à côté de la source miraculeuse qu’elle fit jaillir du rocher, mais aussi symbole de son baptême.
L’oeuvre
La construction de l’église Saint Georges de Sélestat débuta vers 1200 pour s’achever en 1500. Cependant en 1430 le Chapitre décida de l’agrandissement du chœur et les plans de Maître Mathis allaient en faire une grandiose cage de verre de 200 m2 à l’imitation de la Sainte Chapelle de Paris.
Jean Westhus, curé de Saint Georges et grand humaniste, fixa aux maîtres verriers les thèmes iconographiques de la grande baie de la nef et des six vitraux latéraux. Malheureusement le mauvais entretien, les guerres, le mépris pour l’art gothique, des restaurations hasardeuses firent qu’en1945, des 260 panneaux d’origine n’en restaient que 52 indemnes. En 1966 les Monuments Historiques confièrent aux ateliers du Maître Verrier Max Ingrand, non seulement la restauration des vitraux encore existants, mais aussi la création ex nihilo de nouvelles baies.
Il fut ainsi décidé de dédier un vitrail à Sainte Odile, la nouvelle patronne de l’Alsace.
L’hagiographie de la Sainte est racontée en 13 panneaux, surmontés d’un trilobe contenant deux de ses attributs – les yeux sur un livre. Les panneaux se lisent de gauche à droite en partant du haut :
- Première série de panneaux – Naissance de Sainte Odile, sa jeunesse à Palma, son baptême.
- Deuxième série de panneaux – Son père la reçoit à Hohenbourg, elle pratique la charité, elle refuse son mariage
- Troisième série de panneaux – Elle fuit le château paternel, elle mendie sa subsistance, elle revient en Alsace.
- Quatrième série de panneaux - Au centre, la Sainte et son père créent le Monastère de Hohenbourg entourés de part et d'autre de panneaux avec des anges.
- Cinquième série de panneaux – Elle bénit ses parents retirés au Monastère, elle pratique la charité, elle repose dans son sarcophage pleurée par les moniales.
Chacun de ces treize panneaux contient un ou plusieurs détails donnant beaucoup de vie aux divers épisodes de la vie de Sainte Odile.
Max Ingrand utilise les couleurs fortes en usage du XIIIème au XVème siècle, mais ces vitraux illustrent pleinement son goût pour la modernité. Cet ensemble, mêlant l’ancien et le moderne, ne choque absolument pas et un visiteur non prévenu pourrait les croire d’époque.
En savoir plus sur l'artiste
Max Ingrand, de son vrai nom Ernest Maurice Ingrand, naît le 20 décembre 1908 à Bressuire. Après des études à l’Ecole des Arts Décoratifs de Paris, il intègre l’atelier de Jacques Gruber (1870 – 1936), un des Maîtres de l’Ecole de Nancy. Il fonde en 1931 son propre atelier où, avec sa première épouse, Paule Rouquié, excellente graphiste, ils cosignent de nombreux objets décoratifs dans le style Art Nouveau. Max Ingrand décore aussi avec son matériau favori, le verre gravé, de nombreux bâtiments publics ou privés.
En 1946, de retour de captivité, il oriente son activité vers la restauration et la création de vitraux. En 1954, toujours passionné par le verre et la lumière, il devient le directeur artistique de la firme Fontana Arte. Il crée ainsi de nombreux objets de plus en plus appréciés de nos jours. Ses multiples activités ne l’empêchent pas de travailler pour le Canada et les Etats Unis. Il meurt à Paris en 1969 des suites d’une mauvais grippe.