Histoire de Sainte Wilgeforte
Cette statue en bois du XVIIIème siècle, oeuvre d'un artiste inconnu, est visible à l'église Notre Dame de Lorette à Prague.
Histoire du Martyre de Sainte Wilgeforte (Svata Starosta)
La légende de Sainte Wilgeforte s’est diffusée en Europe au XIVème siècle à partir des Pays-Bas où elle est appelée Sainte Ontkommer. Elle est aussi connue en Europe sous divers noms : Sainte Wilgeforte, du latin Virgo Fortis, Sainte Débarras en France, Liberata en Italie, Librada en Espagne, Kümmernis en Allemagne, Uncumber en Angleterre. Tous ces noms la désignent comme libérée ou délivrée.
La légende la plus courante la donne comme fille d’un roi païen du Portugal du IVème siècle en guerre contre le roi de Sicile qui a envahi le pays. Pour arrêter ce conflit son père la destine à épouser son adversaire. Mais Sainte Wilgeforte, secrètement chrétienne, ne veut épouser un païen et supplie Dieu de lui éviter ce destin. Dans la nuit une épaisse barbe noire lui couvre le visage, si bien qu’en la voyant le roi de Sicile refuse cette union disant, furieux, qu’au lieu d’une femme il lui a été envoyé un homme. Son père exigea que sa fille demande à son Dieu de lui redonner son visage habituel et qu’elle renonce au christianisme. Devant son refus, son père la fait crucifier à l’imitation de son Divin Epoux.
Des variantes de cette légende lui font pousser cette barbe pour échapper au viol par des soldats ou aux sollicitations incestueuses de son propre père. En Espagne, sous le nom de Sainte Librada, elle est crucifiée avec ses huit sœurs car toutes chrétiennes.
Elle est canonisée en 1583, mais est actuellement retirée du Martyrologue Romain. Fêtée le 20 juillet elle était la Sainte Patronne des miséreux et des femmes malheureuses en ménage qui l’imploraient dans le but de les débarrasser de leurs maris.
Il semble actuellement établi que la représentation de cette crucifiée barbue viendrait d’une mauvaise interprétation du Volto Santo de la cathédrale de Lucques, image introduite aux Pays-Bas par des marchands de cette ville. En effet, ce crucifix du XIème – XIIème siècle mais que la tradition attribue à Nicomède (disciple du Christ), représente un Christ barbu, couronné, vêtu d’une longue tunique et chaussé de sandales d’or selon la tradition orientale. Les fidèles du nord de l’Europe, habitués à l’image d’un Christ vêtu d’un seul pagne, y virent l’image non d’un homme mais d’une femme. A ce Volto Santo de Lucques est attribué le miracle de la Sandale d’Or où la statue du Christ jette une de ses sandales d’or à un pauvre musicien jouant à ses pieds. Ainsi Sainte Wilgeforte est souvent représentée avec un musicien n’ayant que sa musique à lui offrir.
L’oeuvre
La statue, grandeur nature, en bois stuqué, vraisemblablement de la fin du XVIIIème siècle, se trouve dans la chapelle de Notre Dame des Douleurs du cloître du couvent Notre Dame de Lorette à Prague.
Sainte Wilgeforte est représentée vêtue d’une longue robe bleue parsemée de nœuds de même étoffe et de même couleur. Une large bande rouge, à l’imitation d’un scapulaire de moine, barre sa robe. Un grand châle frangé à la sévillane tombe de sa tête et des épaules jusqu’à sa taille. Elle est aussi couronnée comme une Vierge andalouse dont elle a le visage triste et serein. Une de ses chaussures est posée à ses pieds rappelant le miracle de la sandale d’or qui lui est aussi attribué à l’imitation du Volto Santo de Lucques. Elle est encadrée par les statues de Sainte Barbe et Sainte Catherine ainsi que de deux bras reliquaires.
En savoir plus sur l'artiste
Le sculpteur et son atelier sont actuellement anonymes, car oubliés n’ayant pas laissé d’œuvres majeures. Mais le style typiquement espagnol et baroque fait penser à un artiste venu avec les jésuites espagnols, chargés de « recatholiser » la Bohème après la défaite de la Montagne Blanche.