Histoire des cornes de Moïse
Cette sculpture en marbre de Michel-Ange est située dans l'église Saint Pierre aux Liens (San Pietro in Vincoli) de Rome. Pour en savoir plus sur Saint Pierre aux Liens et sur Rome.
Les cornes de Moïse
Dans l’iconographie chrétienne, et ceci jusqu’au XVIIIème siècle, Moïse est souvent représenté portant des cornes.
Dans la Bible hébraïque il est écrit que lorsque Moïse redescend du Sinaï, portant les Tables de la Loi, la peau de son visage était devenue rayonnante d'avoir parlé avec Dieu. Il devait porter un voile devant les Israélites pour ne pas les effrayer et il l’enlevait lorsqu’il parlait avec Dieu. Un midrash, commentaire de la Bible, rapporte que ce rayonnement provenait d’une goutte de lumière de l’encre dont se servait Moïse pour écrire la Torah.
Dans la Septante, version grecque de la Bible hébraïque, réalisée à Alexandrie vers 270 av.J.-C., le visage de Moïse est dit chargé de gloire.
Dans la Vulgate, version latine de la bible, réalisée entre 390 et 405 par Saint Jérôme, Moïse devient curieusement cornu. Malgré qu’il se fût entouré de Docteurs Juifs pour sa traduction de l’Ancien Testament, il aurait été trompé par la proximité phonétique des mots – karan rayonnant – et karen – cornu. Mais pour certains commentateurs, Saint Jérôme aurait voulu intentionnellement relier ces deux mots pour exprimer, et le rayonnement du visage, et la puissance de la corne. Déjà Rachi de Troyes, éminent commentateur de la Bible au XIème siècle, explique l’utilisation de la même racine de ces deux mots par le fait que la lumière brille et ressort telle une corne.
Pour d’autres auteurs, dès le VIIIème siècle, des copies manuscrites de l’œuvre de Saint Jérôme s’écartent du texte originel et un copiste aurait écrit – cornatus « cornu » au lieu de coronatus « couronné ».
Dans la vulgate actuelle, dite Sixto–Clementine, cornatus est traduit par – son visage rayonnait –
L’oeuvre
La statue de Moïse devait faire partie du tombeau que le Pape Jules II avait commandé à Michel Ange. Du grandiose et même démesuré projet initial de 1505 il ne sera réalisé que l’actuel cénotaphe. Seul le colossal Moïse (2m35), réalisé entre 1512 et 1515, est de la main de Michel Ange. Les autres statues, à l’état d’ébauche, seront terminées par d’autres sculpteurs. Michel Ange présente Moïse assis, tenant sous son bras droit les Tables de la Loi, tandis qu’il touche nerveusement sa barbe opulente et ondoyante. Ces tables, curieusement fermées, sont celles réécrites par Dieu, et non les premières, car dans ce cas, Moïse aurait été classiquement représenté debout, les jetant à terre. La tête tournée vers la gauche, il regarde d’un air courroucé, nette allusion à la faute des Hébreux qui avaient adoré « le veau d’or ». De sa chevelure bouclée, sortent les deux cornes, signe pour Michel Ange de sa puissance. |
Les bras sont musclés, aux veines très apparentes, tandis que les jambes sont couvertes, laissant apparaître la jambe droite bien à plat sur le sol. Le pied gauche est plié, comme si Moïse allait s’y appuyer pour se relever. Une certaine asymétrie de la sculpture s’explique par le fait qu’elle devait à l’origine être placée en hauteur, et vue en contre-plongée.
Pour en savoir plus sur l'artiste :
Michelangelo Buonarroti, Michel Ange en français, est un artiste multidisciplinaire : peintre, sculpteur, architecte et même poète. Il naît à Caprese, près d’Arezzo en 1475, et meurt à Rome en 1564. Il étudie en 1488 la peinture dans l’atelier de Domenico Ghirlandaio. Recommandé à Laurent de Médicis, il peut étudier et copier les sculptures du Jardin de San Marco. A la mort de Laurent le Magnifique, il s’installe en 1492 à Bologne, puis à Rome en 1496 où il sculpte la Pietà de la Basilique Saint Pierre. De retour à Florence, il réalise le David destiné à être placé devant le palazzo Vecchio.
En 1505 le Pape Jules II le charge de réaliser son futur tombeau, mais il doit abandonner ce travail pour peindre entre 1508 et 1512 le plafond de la Chapelle Sixtine. A Florence il réalise à partir de 1519 la nouvelle sacristie de San Lorenzo. Le Pape Paul III lui demande de peindre un Jugement Dernier à l’arrière de l’autel de la Chapelle Sixtine, œuvre qu’il réalisera entre 1536 et 1542. La même année, il termine le tombeau de Jules II, bien éloigné du projet initial, qui sera placé en 1545 à Saint Pierre-aux-Liens. Il meurt à 89 ans à Rome ayant consacré ses dernières années à ses poèmes, et son corps est transféré à Florence pour être enterré dans l’église Santa Croce.